Beaucoup vous direz que le street art a toujours vu, vécu, et verra pour toujours. Si nous le dénommons aujourd'hui comme un seul art urbain, les premières créations street art sont sans doute les graffitis réalisés par les premiers Hommes sur Terre, avec l'image symbolique des Grottes de Lascaux, ou même des hiéroglyphes au sein des pyramides. Le street art est ni plus ni moins une expression graphique s'adaptant à son environnement. Mais les vrais débuts de cet art urbain remontent aux années 1960, à Philadelphie et en France.
Si pour beaucoup, le street art pourrait être confondu avec les premières traces de peintures réalisées par la main de l'Homme, il y a plus d'1 million d'années, et évoluant au cours de l'Histoire par des créations dans la fleur de l'âge, comme dans les années 40 et en période de Seconde Guerre Mondiale, où la propagande était détournée et les collages d'affiches aux messages divers étaient une manière d'adapter une émotion sur une période et un environnement en pleine reconstruction.
Mais pour beaucoup, les vrais fondements du street art ont démarré dans les années 60. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la première ville des États-Unis à connaître les premières touches d'art urbain est Philadelphie. La signature Cornbread s'affiche partout dans les rues de la ville de Pennsylvanie, et là où prend la Liberty Bell, l'un des pionniers de l'art urbain est né. Darryl McCray de son vrai nom est un jeune afro-américain cherchant simplement à attirer l'attention d'une jeune femme qu'il tente de séduire. Par des messages libérés sur les murs des premiers immeubles et à chaque coin de rue. Tous sont signés Cornbread. Entrez dans l'univers du street art.
Alors que ces premières oeuvres du street art sont réalisées à la bombe aérosol, en France, c'est la ville de Grenoble qui verra naître les premières formes d'un art marginal. À l'occasion d'un festival, en 1968, les passants pouvaient admirer les créations exposées par des artistes contemporains tels que Victor Vasarely ou encore Mizui. Si la vision actuelle du street art n'est perçue que par des graffitis dans les lieux publics, sur les barres d'immeubles, ou sous des ponts, voire les voitures de métro, l'art urbain, c'est avant tout une expression d'un artiste dans un environnement auquel il cherchera à s'adapter. Et surtout, le street art est une manière de provoquer une émotion, tout en rendant son oeuvre publique, et parfois dans un anonymat le plus total, ce qui rend la création d'autant plus mystique, et qui rend son charme encore plus grand.
La passion pour l'art de rue à travers les générations depuis 1960, et l'on pourrait considérer même la naissance de l'art urbain bien avant cette décennie, c'est non seulement la possibilité de véhiculer un message fort par une oeuvre graphique dans les lieux publics, mais aussi pour son côté illégal. Dès les années 70-80, les autorités sévissent toutes formes d'expression qui dégraderaient le mobilier urbain, très souvent gris bétonné, et le côté marginal de cette discipline attire chaque année toujours plus d'artistes. C'est alors que les techniques ont évolué.
Si en période de Grande Guerre, l'affichage et le collage étaient les méthodes les plus répandues pour l'art des villes, la bombe aérosol est sans doute le moyen le plus courant pour cette forme d'art. Mais les techniques sont détournées au fil des années et influent directement sur les tendances et modes de la décennie en devenir. Les premières oeuvres d'art urbain avaient pour unique sens de délivrer des messages, mais sans véritable recherche graphique ou artistique. Dès les années 1970, le graffiti prend place à New-York et à Philadelphie, pour des oeuvres dessinées sur le mobilier urbain, mais toujours avec cette volonté de véhiculer un message marginal, et envers une société prônant la surconsommation.
Du street art naîtra également l'anarchitecture. Cette forme d'art sort des codes que vous connaissez sans doute du street art, ne prenant plus la forme de tableau sur le mobilier urbain, mais étant lui-même le mobilier urbain. Pour vous aider à visualiser ce que peut donner l'anarchitecture, il est une construction réalisée par Olivier Ratsi, un architecte français, qui a modélisé un immeuble de près de dix étages en plein centre de Tokyo, et servant davantage à propulser des images publicitaires, qu'à véritablement servir de résidence pour les Japonais. Pour le côté plus anarchique, fondement premier de l'art de rue, La Fausse Maison est une oeuvre signée Richard Greaves. Réalisée avec des matériaux de récupérations, l'artiste montréalaise expose l'ensemble de son travail, un village entier recréé en plein coeur de forêt dans la province du Québec, et qui est accessible à tous. Une fois encore, l'idée n'est pas de permettre à des gens d'y résider, mais bien de redonner vie à une matière destinée à la décharge.
Néo-expressionisme, Proto-graff, Outsider Graff, Superflat, Childstyle, et tout un tas de courants liés à un mouvement dénommé Beautiful Losers sont de simples méthodes d'actualisation du street art, donnant vie à plusieurs formes d'expressions, et bien souvent par des artistes qui se voient tout simplement barrer la route des galeries traditionnelles. L'art des villes étant ainsi devenu un moyen d'expression de tous les genres, de tous les styles, et de toutes les pensées, pour incarner un univers et une atmosphère dans lesquels nous vivons et que nous cotoyons chaque jour. C'est comme vivre au sein même d'un tableau.
Pour résumer l'art de la rue tel qu'il est perçu aujourd'hui, il y aurait beaucoup à dire. Mais l'esprit de cet art urbain perd peu à peu de son statut marginal, pour finir par être exposé dans des endroits parfois insolites. Le casino de Fort-Mahon a par exemple fait appel aux talents de l'artiste français « Made In Graffiti » pour réactualiser sa salle des machines à sous. En Suisse, plusieurs expositions d'oeuvres street art sont organisées, tout comme des ventes aux enchères qui y prennent place. L'art urbain n'est ainsi plus considéré comme un délit, mais bien comme l'expression d'un artiste que l'on souhaite avoir chez soi. Cet aspect bourgeois est-il alors annonciateur de la fin du street art ? Loin de là, les artistes et graffeurs ne cessent de proposer des oeuvres dans les rues des plus grandes capitales du monde, de dénoncer une société où plus rien ne va, et de libérer des courants de pensée véhiculés par des oeuvres que tout le monde peut admirer.